La grille d'Ardoino : analyse de l'outil

 

 

 

Jacques Ardoino est psychosociologue et consultant à l'UNESCO.

 

La complexité scolaire comporte, selon lui, 6 niveaux. Il prend l'exemple d'une classe qui est une expérience sociale très largement partagée.

 

La grille d’Ardoino s’inscrit dans la réflexion d’un scénario pédagogique, car elle fait appel à l’affectif, à la personne. 

 

Dans un scénario pédagogique, la personne est l’élément central. On ne peut faire sans tenir compte du public avec lequel on va travailler. C’est lui qui sera source de facilité ou d’obstacles selon sa personnalité, son état d’esprit du moment, son vécu, sa famille, sa culture. 

 

 

 

 

 

 

Schématisation de la "grille" d'Ardoino ...

 1) L'individuel

On se centre sur les caractéristiques individuelles (traits de caractère, profils de personnalité, motivations, attitudes, aptitudes...) qui nous indiquent si l'élève est "bon" ou "mauvais". 

On s'interroge ici sur la façon dont chacun(e) intériorise ou non les normes sociales. C'est la psychologie qui étudie les comportements humains dans cette perspective. L'origine des problèmes et le lieu des solutions résident dans la nature de la personne. 

Une majorité de conflits trouve leur origine dans l’état de la personne, dans ce qu’elle vit au présent, dans sa perception des choses, dans ses valeurs, dans ses besoins.

2) Le relationnel/L'interindividuel

Relations interpersonnelles entre les personnes composant le groupe (complicité / conflit). C'est la psychologie sociale qui étudie les interactions et ses modalités (compétences intellectuelles, attitudes, vie affective). 

Les personnes en présence ont des besoins contradictoires, des valeurs divergentes. Cette dimension peut être source d’une communication difficile.

3) Le groupal 

 Ce sont les phénomènes de groupe. C'est le domaine de la psychosociologie. On parlera ici de rôles, de fonctions, de leadership, de sous-groupes. Le tout est constitué par l'ensemble des membres de la classe qui est plus que la somme des parties qui la composent. C'est un paradigme systémique. 

4) L'organisationnel 

L'école est le siège de procédures plus systématiques, organisées dans la recherche d'une efficacité, orientées vers la poursuite de ses buts. C'est le champ de la sociologie des organisations et de l'action collective. On ne parlera plus de dimension affective, mais d'acteurs, de conflit, de coopération, de relation de pouvoir, d'enjeux...

La manière dont une équipe de travail, une école ou même une famille est organisée aura de l’importance sur la vie du groupe et des individus qui y cohabitent.

Les conditions matérielles, la répartition des tâches, ont beaucoup d’importance dans la compréhension d’un conflit ou d’un problème qui surgit.

Quelle est la disposition spatiale des différentes unités de production? Comment les tâches sont-elles divisées, organisées? sont des questions qui méritent d’être posées.

5) L'institutionnel 

Chaque structure, chaque établissement organise ses missions, ses actions ou projets en fonction de ses valeurs propres, ses normes, de son projet d’établissement. La classe est située non seulement dans l'école, mais cet établissement scolaire est une institution dédiée à l'entrée dans la société, la culture, le pays, le monde... Elle est régie par un cadre institué : l'obligation scolaire, les programmes, les inspections, les titres requis...

On se préoccupe ici des rapports organisations/société. Des règles institutionnelles s'imposent à l'organisation du fait de son inscription dans des ensembles sociaux plus vastes que l'on nomme communément la société, les institutions. A côté de ces règles formelles, d'autres règles plus informelles mais tout aussi prégnantes existent. C'est de la macrosociologie. 

Quelles sont les valeurs sociales admises ? Où se situent nos limites dans notre champ d’actions (par rapport à notre rôle, nos valeurs) ? 

Où s’arrête l’implication de l’école d’un point de vue humain, social ?  Face à une situation problème avec un élève, faut-il trouver la solution pour lui en lui donnant les moyens ou doit-il trouver la solution par rapport aux moyens qui lui sont communiqués ?

 

6) L'historicité 

Il s'agit non du niveau de la société mais de la transformation de cette dernière. 

S’intéresser aux événements historiques qui ont amené des modifications dans la structure d’une culture, de la société peut nous permettre de comprendre une situation avec plus d’objectivité. 

 

Mon expérience de stage à travers les 6 niveaux de la grille d'Ardoino : 

1) L'individuel

Dans ma classe de stage en P1, une petite était vraiment infernale. Elle ne tenait pas en place, hurlait au lieu de parler... Un vrai démon !

 2) Le relationnel

Cette petite en question était assisse à côté d'un autre enfant très turbulent lui aussi. De ce fait, j'ai pris la décision de la changer de place pour l'installer à côté d'un garçon plus calme. De plus, au lieu de la laisser au devant de la classe, je l'ai placée au dernier banc pour éviter tout contact et tout dérangement vis-à-vis des autres. 

3) Le groupal

Dans ma classe, j'ai rapidement constaté qu'un groupe d'enfants était relativement "leader négatif". La petite dont je parle ci-dessus en faisait partie. Ce groupe d'enfants n'hésitait pas à insulter, frapper, chercher les autres. Ces enfants se sentaient plus fort ensemble (phénomène de groupe) lors d'une dispute avec un autre enfant.

4) L'organisationnel

La petite fille est arrivée dans la classe après les autres. On l'avait d'abord mise dans la classe de 1A pour ensuite se rendre compte que la répartition des élèves dans les 3 classes de premières n'était pas équitable : elle est donc arrivée en 1B. 

5) L'institutionnel

Au vu des comportements hyperactifs de cette petite, je pense qu'il faudrait mettre en place des aménagements pour qu'elle se sente mieux en classe. Il faut trouver des solutions pour arriver à la calmer et l'apaiser. Aussi, il y a un travail à faire au niveau de ses fonctions exécutives car c'est une petite qui n'arrive pas à se contrôler (à inhiber) : elle n'a jamais de panneau "STOP".

6) L'historicité

La société actuelle rend les gens à crans, nous sommes de plus en plus individualiste et la société nous pousse toujours à faire plus, à être meilleur. Nous ne prenons plus le temps pour rien, surtout dans le cadre scolaire, on se voit obliger d'accélérer pour rendre "des points" ou bien pour être "en accord avec le programme".